La remontée des mineurs d'Anzin (Lucien Jonas)
La remontée des mineurs d'Anzin (Lucien Jonas)

 

L’émeute « des quatre sous » (1833)

 

A l’époque de la révolution Française (1789-1799), il y a eu de nombreux soubresauts. Les idées révolutionnaires se sont répandues comme une traînée de poudre dans les milieux ouvriers. Une révolte se serait déroulée à la fosse Sainte-Barbe des mines d’Aniche pour l’obtention d’une revalorisation des salaires. A cette époque, la situation n’est guère brillante aux mines d’Anzin.

 De cette période, il faut retenir plusieurs points :

- Les actionnaires nobles de la compagnie des mines d’Anzin ont émigré.

- Le 10 août 1792 se déroula la prise du palais des Tuileries où la garde du roi s’est rallié aux révolutionnaires parisiens (sans culottes) et aux fédérés Marseillais et Bretons. Cet événement mit fin à la monarchie. La première république fut proclamée et le roi fut guillotiné en janvier 1793.

- Les fosses ont été détruites lors du siège de Valenciennes par les Autrichiens (1793).

- Il y a eu une éphémère nationalisation des mines lors de la reconquête du territoire.

- Les actions des nobles ont été rachetées par des financiers parisiens notamment les Perier.

 

Au début du XIXe siècle, ces financiers vont entreprendre une importante rationalisation de la compagnie dont l’objectif est de tirer un maximum de bénéfice de l’exploitation charbonnière. Le capitalisme est également né avec les mines…C’est dans ce contexte que s’est déroulée au printemps 1833 l’émeute des quatre sous. Dès 1824, la compagnie décide de baisser le salaire journalier des ouvriers de 34 à 30 sous. Les protestations de 1824 et 1830 ne furent pas prises au sérieux et le feu de la contestation couva encore quelques années jusqu’en mai 1833.

 

Le foyer de rébellion est né chez les charbonniers d’Anzin et de Valenciennes. Le 17 mai, entre 200 et 300 mineurs (d’après Mark Jenning agent général de la compagnie) assiégèrent le siège de la compagnie situé dans le hameau Valenciennois de Saint-Waast-La-Haut en hurlant « A bas les Parisiens, vivent les Mathieu d’Anzin ». Ils demandèrent le retour du salaire à 34 sous et la tête de 3 ingénieurs très méprisant notamment Monnier. Ce dernier (dont la maison était à coté du siège) dut fuir pour ne pas être lynché et son domicile fut pillé. Le 18 en soirée, entre 100 et 150 mineurs se dirigent dans les fosses pour éteindre les machines à feu (pour l’épuisement des eaux du fond). Elles seront remises en route plus tard par le lieutenant de gendarmerie et ses hommes. D’autres mineurs parcourent les villages pour s’assurer que l’ensemble de la concession (d’Abscon à Vieux-Condé) est en grève. L’armée sous les ordres du Maréchal de camp de Rigny investit le pays minier avec plusieurs milliers d’hommes. Deux pièces d'artillerie traversèrent même Valenciennes. Dans cette dernière, les hussards ont chargé un groupe de mineurs qui occupait la fosse Lomprez... Dans ce contexte d’état de siège, la reprise est amorcée le 27 mai. Le préfet aurait donné des garanties à une délégation de 6 mineurs choisie par leurs camarades.

 

En application de la loi Le Chapelier de 1791 qui punissait à l’époque toute tentative de coalition ouvrière, 18 mineurs et 1 cabaretier furent jugés par les tribunaux.

 

En juin, le procès mit en lumière les terribles conditions de vie et de travail des charbonniers. Au cours de celui-ci, les maires de Valenciennes et d’Anzin (Jean-Baptiste Flamme et Joseph Mathieu) prirent la défense des ouvriers mineurs. Les avocats de la défense dénoncèrent « les mauvais traitements infligés aux mineurs » par la compagnie, ainsi que « les privilèges exorbitants » et « la passion de l’argent » de ses dirigeants…

13 ouvriers furent acquittés et 6 furent condamnés à des peines de prison allant de 8 jours à 1 mois. L’opinion publique qui suivit les débats via la presse fit pencher la balance. La compagnie dut céder et rétablir les salaires au 1er juillet 1833.

 

L’émeute des quatre sous fut la genèse des grands conflits sociaux que menèrent les mineurs pour améliorer leur condition de vie.